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Haiti toujours en ruines

Par • 13 Juil, 2010 • Catégorie: Brèves

Six mois après le séisme, la situation en Haïti reste désolante, un article de Jean-Michel Caroit pour Le Monde :

La petite tente rafistolée avec des bouts de bâches est transformée en étuve par l’implacable soleil tropical. Un matelas, des vêtements chiffonnés dans une bassine et des ustensiles de cuisine. « C’est tout ce que j’ai sauvé quand ma maison s’est effondrée », soupire Nadine Beaujour.

La jeune femme, enceinte, vivait à Mariani, tout près de l’épicentre du séisme qui a tué près de 250 000 Haïtiens le 12 janvier. « Je suis arrivée à terme mais le bébé ne veut pas sortir, sans doute parce qu’il sait que je n’ai rien à lui donner à manger », ajoute-t-elle. Elle a perdu une fillette de 5 ans écrasée sous les décombres et son mari, blessé, ne peut plus travailler.

Six mois après le tremblement de terre, frustration, désespoir et, parfois, colère dominent dans les quelque 1 300 campements où s’entassent plus de 1,6 million de réfugiés. Les plus démunis y côtoient les sinistrés de la classe moyenne, enseignants, avocats et étudiants, qui ont tout perdu, les plongeant brutalement dans la misère et la promiscuité des camps.

Au milieu des gravats et des odeurs d’excréments, les tentes occupent des parcelles de chaussée et un terre-plein central, îlot coincé entre plusieurs avenues, à la sortie de la banlieue de Carrefour. Les familles survivent là, entre deux flots de véhicules, à la merci des accidents.

LA SAISON DES CYCLONES

« Jusqu’à quand vivrons-nous comme ça ? Le gouvernement ne fait rien pour nous, seule l’ONG Care nous donne un peu de travail. Dieu est mon seul espoir », s’exclame Maude Saint-Hubert, qui a trouvé refuge au camp de la Cité Jean-Baptiste, à une douzaine de kilomètres à l’ouest de Port-au-Prince. Une cinquantaine de latrines y ont été installées par le Secours islamique de France.

Au lendemain du séisme, un formidable élan de générosité a mobilisé plus de 2 milliards de dollars (1,58 milliard d’euros) de donations privées à travers le monde. Une partie de ces sommes a été dépensée par les ONG dans l’aide d’urgence : soins, nourriture, tentes, équipements sanitaires, etc. Six mois plus tard, la situation n’a pas évolué alors que la saison cyclonique, de juin à octobre, pourrait se révéler dévastatrice.

La phase de reconstruction démarre à peine. Réunis à New York le 31 mars, les bailleurs de fonds avaient promis 10 milliards de dollars pour rebâtir Haïti. Plus de la moitié de la somme devait être déboursée sur dix-huit mois. Mais moins de 2 % de l’aide est arrivée : le fonds multibailleurs créé par la Banque mondiale n’a reçu jusqu’à présent que les contributions du Brésil et de la Norvège.

« LE GRAND PROBLÈME, ÉVACUER LES GRAVATS »

Port-au-Prince reste un vaste champ de ruines. Partout, ce ne sont qu’amas de décombres et d’édifices effondrés. « Le grand problème, c’est d’évacuer les gravats et de trouver des terrains afin de construire des abris transitoires pour les sinistrés », explique Peter Rees, responsable du « cluster » (groupe de travail) abris aux Nations unies.

Seuls 250 000 m3 de décombres ont été déblayés sur un total estimé à 20 millions. Il n’y a que 300 camions disponibles alors qu’il en faudrait au moins 1 000. Une seule décharge est habilitée à recevoir les débris. Armés de pelles et de brouettes, des brigades de jeunes dégagent les gravats dans le cadre des programmes « cash for work » (argent contre travail). Leur effort paraît dérisoire face à l’ampleur de la tâche.

En liaison avec le gouvernement, les experts des Nations unies ont élaboré un plan de 120 millions de dollars qui permettrait d’évacuer rapidement 2 millions de m3 de décombres. Mais l’expérience menée dans le quartier de Fort National, où le président René Préval souhaite reloger les sinistrés qui occupent le champ de Mars, face au palais présidentiel, montre les difficultés de la tâche. Près de 80 % des sinistrés ne possèdent pas leur logement, or il faut obtenir l’autorisation des propriétaires pour déblayer les terrains.

Des équipes d’ingénieurs du ministère des travaux publics ont inspecté près de 170 000 maisons. 25 % classées « rouge », doivent être détruites. 28 %, marquées en jaune, sont endommagées mais peuvent être restaurées et 47 %, vertes, sont intactes. Traumatisés par le séisme et les nombreuses répliques, beaucoup d’habitants craignent de dormir dans leur maison, même lorsqu’elles ont été classées « vertes ». Quant aux propriétaires des maisons jaunes, la plupart n’ont pas les moyens de payer les réparations.

UN POUVOIR POLITIQUE VACILLANT

Le manque de terrains est le principal obstacle à la construction des abris transitoires – des structures en bois ou en tôle – qui offrent une meilleure protection face aux intempéries. Seulement 3 700 ont été construits jusqu’à présent sur les 125 000 annoncés.

« C’est la pire catastrophe jamais enregistrée en milieu urbain et elle a frappé un pays qui vivait déjà en état de désastre structurel », rappelle Nigel Fischer, le représentant spécial adjoint du secrétaire général des Nations unies. Ce Canadien a été appelé d’urgence pour tenter de coordonner les efforts dispersés des bailleurs de fonds, des ONG et du gouvernement.

« Il n’y a pas eu d’épidémie dans les camps et nous avons mené une campagne de vaccination massive. Il n’y a pas eu non plus de pillage comme au Chili, ni d’explosion de violence. Mais pour reconstruire, il faut une stratégie et une planification », ajoute-t-il. Déjà faible avant le séisme, l’Etat haïtien a perdu 20 % de ses cadres et 70 % de ses infrastructures. Le pouvoir politique est vacillant : le président René Préval est en fin de mandat et durement critiqué par l’opposition.

Source :
http://www.lemonde.fr/

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