Frantz Casseus
Né d’une famille modeste à Port au Prince en 1915 il fabrique sa première guitare à l’âge de 12 ans, ses parents n’ayant pas les moyens de lui acheter un vrai instrument.
Il étudie la guitare classique européenne pendant plusieurs années, seul dans un premier temps puis avec l’aide du compositeur et musicologue Werner Jaegerhuber. Il donne son premier concert à Port-au-Prince en 1941.
Il fut durant sa vie guitariste interprète et compositeur, mais aussi éditeur musical et luthier puisqu’il fabriqua près de 150 guitares par passion mais aussi pour compléter ses revenus.
Passionné par son instrument, il alloue à la guitare classique un rôle fondamental, il l’envisage autonome et capable de toutes les interprétations possibles.
Il se lance le défi courageux de préserver l’intégrité musicale haïtienne mise en danger depuis l’occupation militaire américaine de 1915. Dans un article au titre évocateur « Notre méringue se meurt… » (publié en 1944 dans Haïti Journal), il témoigne de son désarroi face à la dévalorisation du patrimoine musical haïtien.
Il met alors en œuvre toute sa sensibilité et la connaissance de son instrument pour investir de nouveaux domaines musicaux et choisit de s’immerger dans le répertoire folklorique de son pays d’origine afin de révéler l’esprit haïtien, plutôt que de se fonder uniquement sur le modèle européen.
Dans ce qui semble bien être son chef d’œuvre, sa « Suite haïtienne » il adapte différentes danses vaudou sur une seule partie de guitare, les rythmes habituellement exécutés par les tambours vaudou sont donc transformés en quelques notes envoûtantes. Ainsi, les rythmes magiques des tambours, véritable essence de la culture haïtienne, sont mis en valeur dans un cadre nouveau, celui de la musique savante, écrite. Lors des concerts de Frantz Casseus, sa « Suite haïtienne » empreinte de cette conception révolutionnaire, se mêle aux menuets, études de Bach, Schubert ou Villa-Lobos.
En dehors du simple cadre de la musique classique, Frantz Casseus a aussi joué un rôle important dans le domaine plus général du folklore de son pays en composant par exemple la chanson « Merci Bon Dieu » reprise et rendue très populaire par Harry Belafonte et Hugh Masekela. Il y eut même une version française de cette chanson qui eut beaucoup de succès en France en 1958.
En guitariste mondialement apprécié, Frantz Casseus joua dans le monde entier, il fit même partie du groupe du célèbre musicien Harry Belafonte pendant deux ans.
Il reprit aussi des chansons folkloriques ou des mélodies existantes en les adaptant à son jeu et à son instrument. Son travail avec la chanteuse Lolita Cuevas témoigne de ce souci de valorisation du patrimoine folklorique haïtien.
Dans ce disque magnifique, l’on peut entendre des adaptations de chansons populaires comme Choucounne ou Angélique o, une meringue de salon mais aussi une berceuse ainsi que des compositions de Frantz Casseus. Le tout étant parfaitement homogène puisque basé sur le style du guitariste doué d’une simplicité de jeu naturelle remarquable et sur la superbe voix de Lolita Cuevas.
Rappelons qu’habituellement ces thèmes et chansons folkloriques sont interprétés avec une solide section rythmique propre à toute la musique haïtienne. Le travail d’adaptation des rythmes du tambour à un autre instrument est un problème qui se pose de façon récurrente à tout musicien expérimenté cherchant à adapter un folklore d’origine africaine à son instrument. Et Frantz Casseus ne fut pas le seul musicien à expérimenter dans cette direction ; nous pouvons citer notamment le guitariste cubain Léo Brouwer.
Le dernier titre du disque, l’instrumental Sobo est une composition de Ludovic Lamothe un pianiste haïtien qui s’essaya, lui aussi à transcrire l’effet et le son produit par un ensemble de percussions.
Frantz Casseus vécut toute sa vie de sa musique et accessoirement de la fabrication de ses instruments aux États-Unis. Son investissement pour la guitare classique fut tel que malgré un problème grave à la main droite l’empêchant de jouer dans les années quatre-vingt, il n’utilisa pas d’autre instrument pour composer, à la différence d’autres musiciens, et il persista à croire que son problème se réglerait par une pratique instrumentale plus intense.
Il mourut à New York en juin 1993, âgé de soixante-dix-sept ans.
Quelques musiciens aujourd’hui interprètent les œuvres de Frantz Casseus, citons par exemple le guitariste Amos Coulanges en France ou encore Marc Ribot, un proche, qui prit des cours avec le guitariste dans les années soixante.