La Musique Haitienne

Histoire, panorama, actualité de la musique d'Haïti

Comment comprendre cette lacune ?

On peut, pour tenter de comprendre ce phénomène, proposer quelques pistes de réflexion.

La création finie, transportée par le disque et par la radio, est-elle pour les Haïtiens moins importante que la performance vivante ?
La technologie est-elle considérée comme un facteur dénaturant ?
Enfin encore plus simplement, la majorité de ceux qui font de la musique en Haïti, paysans pour la plupart, ont-ils une quelconque volonté de diffuser leur musique ?

Pourtant ce n’est pas vraiment d’une absence de production qu’il s’agit, mais d’une mauvaise production, considérée comme un moyen de mettre à la mode un morceau pour qu’il se vende.
Et ici nous touchons du doigt un autre problème, celui de la diffusion intéressée de la musique caraïbe en général, et de la musique haïtienne en particulier.

Les maisons de disques, comme me l’a confirmé Reynold Henrys, ne cherchent bien souvent que le profit immédiat, d’une musique destinée elle aussi à un effet immédiat, la danse.
Ces maisons de disques qui, majoritairement, se situent hors de l’île visent la diaspora haïtienne car le marché local est plus limité. Les artistes sont les grands perdants dans ce système, ils sont sous-payés, et contrôlent peu la destinée de leur musique.

Les noms des artistes sont très souvent absents, seul le nom du groupe figure sur la pochette ; ce flou convient bien à la logique mercantile de ces industriels de la diffusion musicale.

Finalement, tout ceci donne une inflation de mauvais disques et amplifie les préjugés tenaces déjà pourtant bien ancrés dans l’esprit des non Haïtiens ; en France comme dans le reste de l’Europe, la musique haïtienne est méconnue, et quand elle ne l’est pas, elle fait sourire ; pourtant il me semble évident qu’elle pourrait être appréciée et reconnue.

Mon entretien avec Reynold Henrys me permit de comprendre, que mon point de vue n’était pas faux en lui-même, mais ne prenait pas assez en compte certains aspects pourtant évidents.
Si toute culture de studio, d’enregistrement est absente en Haïti, c’est aussi qu’elle est le miroir qui reflète les terribles années de pauvreté et d’absence de liberté des années Duvalier.

Le Kompa était alors la seule expression musicale autorisée par le régime, elle lui servait même de masque. Comme nous l’avons vu précédemment, par sa nature même, par ses textes, ce genre musical ne remettait rien en cause et ne posait pas de questions, et en dehors de ce mouvement, pour les Duvalier, rien n’avait le droit d’exister.